samedi 10 avril 2021

Normal People

 

La petite claque à laquelle je ne m'attendais pas vient de ce roman de Sally Rooney.

En lisant la quatrième de couverture, ça sonnait comme une histoire d'amour ordinaire, proche de nous, du vrai.

Connell et Marianne se connaissent depuis toujours. Entre eux s'est tissé un lien tout particulier. Il prend un tournant au lycée lorsque la sensualité s'invite entre eux. Confidences, complicité et tendresse sur l'oreiller. Oui, mais... Cette relation doit rester secrète.

Le roman interroge le regard des autres, notamment à l'adolescence. Comment celui-ci intervient dans les relations, agit même dans l'intime. Comment on se construit avec ce regard, tentant de s'en affranchir, alors que celui-ci nous rattrape.

Si j'avais peur de la relation toxique, il n'en est rien ici. C'est même tout l'inverse. Il n'y a pas de terme pour définir leur relation qui n'appartient qu'à eux. Et qui leur apporte énormément. Un Amour sincère, qui brise les codes, et donne des ailes.



 


Patrick Dewaere - A part ça la vie est belle


La première fois que j'ai entendu parler de Patrick Dewaere, c'était par ma mère. Elle l'aimait beaucoup. Elle est le témoin d'une génération entière marquée par ce grand acteur. Par ses divers rôles, mais aussi par son caractère torturé et sa fin tragique. 

35 ans. Patrick a 35 ans lorsqu'il empoigne sa carabine. Et appuie une dernière fois sur la gâchette. Il s'adresse ensuite à nous, lecteur. Et nous invite à l'écouter. On remonte le temps à ses côtés. Le parti pris de le laisser narrer sa propre histoire est idéal. On se sent proche de lui. Comme quelqu'un de la famille qui raconte des souvenirs. 

Son enfance. Sa mère le berce de culture très jeune. On découvre aussi les moments plus sombres, notamment lorsqu'il découvre la vérité sur l'identité de son père. Une quête vaine. Il est également victime d'abus, ce qu'il confiera seulement adulte, à certaines personnes de confiance. D'ailleurs, sa confiance, il faut la gagner. "J'ai pas envie de vous en parler maintenant", nous avoue-t'il. Son caractère transparaît à chaque page. Un Patrick qui semble fidèle à l'original.

Retour sur sa carrière d'acteur. Ses débuts difficiles. Ses rôles mythiques aux côtés de Depardieu. Leur relation complexe, je-t'aime-moi-non-plus. Les récompenses manquées. Les rôles de "mecs désespérés" qu'on lui propose et qui lui collent à la peau. Un peu trop. 
Il est imprévisible, impulsif. Bagarreur lorsqu'on le cherche. Également passionné, puisqu'il se marie sur un coup de tête ou prend le large en plein milieu d'un tournage.

Cette bande dessinée lui rend joliment hommage. Petit coup de cœur pour les derniers pages qui mettent en scène un dialogue inventé entre le Gérard Depardieu d'aujourd'hui et Patrick Dewaere. 
J'ai fait les choses un peu à l'envers, puisque j'ai découvert cet acteur ici. Son portrait m'a vraiment donné envie de parcourir sa filmographie. J'avais également envie d'entendre sa voix, ce que j'ai pu faire à-travers ses chansons.    




"Une flamme c'est fragile, ça peut s'éteindre au moindre courant d'air. Il y a eu un courant d'air et Patrick s'est éteint." Jean-Michel Folon

dimanche 20 septembre 2020

Shaolin Cowboy


 
Un premier tome chez Futuropolis qui regroupe les épisodes 1 à 7 de Shaolin Cowboy, initialement édités chez Burlyman Entertainment. Un titre accrocheur, qui laissait présager quelque chose d'original, limite barré. Et j'avoue ne pas avoir été déçue sur cet aspect !

Quelque part dans le désert américain, Shaolin Cowboy règle ses comptes avec les ennemis qu'il a visiblement laissé sur sa route. Notamment le roi Crabe, qui lui reproche d'avoir dégusté sa famille. Il ne sera pas le seul à l'affronter dans ce monde impitoyable !

Les aventures de Shaolin Cowboy sont complètement loufoques. Aucune logique ne semble régir ce monde totalement kafkaïen. C'est décalé, et ça fait du bien de voir un comics qui sort de l'ordinaire. Les amateurs du genre vont apprécier. Le sang coule à profusion à la manière d'un film déjanté de Tarantino. Un bâton pour combattre ? Meilleur combiné à une tronçonneuse bien sûr. Un crabe rancunier, un squelette qui perd la boule (au sens propre), des requins sans pitié. Toute une palette d'ennemis qui vont lui donner du fil à retordre ! C'est sans compter sur son fidèle destrier, toujours prêt à lui donner un coup de main - ou plutôt de sabot. Doté de parole, ce dernier n'est pas avare en blagues ! J'ai ri. Beaucoup. Un bon comics sans prise de tête !  

La ville encyclique

L'épopée de la franc-maçonnerie T.01 et T.02

Quatre bande dessinées pour tracer les contours de l'Histoire de la Franc-Maçonnerie. C'est le défi lancé par Glénat et son directeur de collection, David Convrad. 
Leur but ? Répondre aux interrogations d'un public de plus en plus intéressé par ce courant de pensée qui a influencé plusieurs générations de scientifiques, artistes, politiques ou simples citoyens.
Promesse tenue ?

En quelques chiffres tout d'abord, la Grande Loge de France est fondée en 1728, réorganisée en 1821. Actuellement, on compte 34 000 membres répartis en 927 Loges en France et à l'étranger. 

Les deux premiers titres, parus simultanément, s'attaquent aux fondations. Le premier nous raconte la construction du Temple de Salomon par l'architecte Hiram. Le deuxième nous emmène au plus près des bâtisseurs de Cathédrales. 
Le lien entre chaque histoire et la Franc-Maçonnerie est éclairé par les dossiers de fin. Des poins d'histoire indispensables et des informations capitales pour que l'on comprenne. L'origine de la légende maçonnique est encore très énigmatique. Certainement multiple, comme on peut le voir avec ce récit Biblique. Les bâtisseurs mettent en avant le rôle qu'a probablement joué le Compagnonnage, à-travers différents corps de métier, charpentiers, tailleurs de pierre et autres.

Mais ce qui est le plus intéressant, outre la partie historique, c'est manifestement la dimension philosophique
"Si Maître Hiram était le bâtisseur du Temple de Jérusalem, par analogie, le Franc-maçon est le bâtisseur de son temple intérieur."
Quel est le contenu des discussions de la Loge ? Éveiller l'esprit de l'homme est-il le maître-mot ?

Car selon Jacques Rozen, Souverain Grand Commandeur du Suprême Conseil de France, l'objectif est de "construire un homme ouvert aux autres, un homme impliqué dans la société, sachant réfléchir par lui-même, sans gourou, en toute liberté et en pleine conscience."

Même si je pense avoir juste effleuré la surface de ce qu'est la Franc-Maçonnerie, cette série donne quelques pistes. 
Je vous conseille ces deux voyages philosophiques si la curiosité vous y pousse.


Nous étions les ennemis

Pearl Harbor, 7 décembre 1941. Les forces aéronavales japonaises attaquent la base navale américaine. 

Le Président Roosevelt prend alors la terrible décision d'arrêter les personnes d'origine japonaise. Considérées comme des ennemis sur le sol américain, elles sont expulsées et conduites dans des camps. Les familles perdent leurs biens, se voient forcées de revendre leurs maisons, leurs effets personnels. 
George Takei n'avait que quatre ans à l'époque, mais se souvient de tout. Comment sa famille, d'abord hébergée dans une écurie, est ensuite conduite dans l'Arkansas. Et il nous raconte...

Aujourd'hui, à 83 ans, il anime une conférence Ted. Il est devant une foule, à conter son histoire. Il en fait un devoir personnel. Celui de ne jamais oublier. Et de faire connaître tout un pan occulté des livres d'Histoire. Cette bande dessinée nous donne accès à ses précieux souvenirs

Ces hommes et ces femmes, déchirés, obligés de choisir entre deux pays. Celui de leurs origines. Ou celui qui les a vu naître pour la plupart. La violence avec laquelle on les a expulsé, une étiquette sur la valise. Ce train qui les a conduit loin de leur foyer, dans lequel on demandait le silence à chaque arrêt en gare, les stores fermés.
Dix campements, dont le centre de relogement Rohwer. Bloc 6, baraque 2, unité F. Leur loyauté sans cesse remise en question. "On ne peut pas vous faire confiance, japs, on ne sait pas dans quel camp vous êtes."

Le regard d'enfant, naïf, est touchant. George est heureux de partir "en vacances", vit les événements comme une nouvelle aventure. Il tranche forcément avec la réalité et apporte un peu de légèreté. Le dessin est également doux et accompagne bien son regard.

Une bande dessinée qui grave un moment douloureux de l'Histoire des Etats-Unis. Indispensable, car "Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre" - Winston Churchill.

  



Les Géants - Erin T01

 

Groenland, Qaanaaq. La fonte des glaces a créé une faille qui n'existait pas deux ans auparavant. Un groupe d'explorateurs s'engouffrent à l'intérieur et découvrent... une créature emprisonnée dans la glace !

Ecosse. Erin se réveille d'un mauvais rêve. Orpheline, elle vit désormais chez sa tante. Passionnée de jardinage et de nature, elle a construit une cabane dans les bois, dans laquelle elle aime trouver refuge. Jusqu'au jour où une bande d'ados mal intentionnés tentent de lui voler ses affaires, notamment une photo de ses parents. Elle se défend, mais un des garçons la rattrape. C'est alors qu'une plante s'enroule autour de lui et le propulse dans les airs. Alors qu'elle s'échappe, une étrange créature de la forêt la retient...

Cette bande dessinée est la première d'une saga prévue en six tomes. L'écologie est clairement au centre de l'aventure. La fonte des glaces représente un véritable danger. Erin a un lien particulier à la nature qui l'entoure. Cette connexion va d'ailleurs lui permettre de se lier à un esprit de la forêt pas comme les autres.
Dans la veine de ces romans pour la jeunesse à visée écologique comme Tobie Lolness, ou encore les films Avatar, Mia et le Migou ou les chefs d’œuvre de Miyazaki, Les Géants délivre un message bienveillant, indispensable à l'heure d'aujourd'hui et qu'il faut défendre à tout prix. Que manigance la terrible Crossland Corporation ? Nous le découvrirons bientôt, au même titre que nos jeunes héros.
 
L'histoire reste classique pour le moment, mais le premier tome est aussi là pour poser les bases. Sensible à cette cause, je ne peux qu'encourager une série qui fera germer une graine de conscience chez les nouvelles générations. De plus, elle s'annonce vraiment très prometteuse, notamment quand on lit en 4ème couverture que sept enfants sont en réalité dotés de capacités hors-norme !

Radium girls

 

New Jersey, 1918. Edna Boltz entre comme ouvrière à l'United State Radium Corporation, une usine qui fournit l'armée en montres. Elle se lie très vite d'amitié avec Katherine, Mollie, Albina, Quinta. Leur travail consiste à peindre des écrans à la peinture Undark. 1, lisser le pinceau avec les lèvres. 2, prendre la peinture. 3, peindre. L'ambiance entre elles est bonne, même si le rythme exigé est soutenu. Elles aiment se surnommer les "Ghost girls", ornant leurs ongles, dents, pour briller dans la nuit. Elles ignorent alors que la substance qu'elles manipulent toute la journée est en réalité mortelle... 

Le dessin de Cy rend merveilleusement bien hommage à ces femmes au destin volé. Son coup de crayon est à la fois très expressif et délicat. Les couleurs pastel contrastent avec la dureté des conditions dans lesquelles elles travaillent. Que ce soit la cadence imposée - on parle quand même de 250 cadrans par jour, mais également de leur santé qui se dégrade au fur et à mesure de leur exposition à ces produits toxiques. 

Malgré ce combat difficile, semé d'embuches, où elles luttent contre leur entreprise qui tente d'étouffer l'affaire, c'est une histoire qui parle de Sororité. Comment, dans l'adversité, elles ont soudé leurs liens. C'est ce message-là qui est au premier plan. La lutte des femmes n'a jamais cessé, que ce soit pour obtenir le droit de vote, ou des choses qui nous paraissent banales à l'heure d'aujourd'hui, comme porter un maillot de bain deux pièces. Ne jamais oublier leur courage, leur force, leur persévérance. Une radium girl remporte finalement son procès, de nouvelles lois prennent vie pour les ouvriers. 

Une bande dessinée essentielle.